dimanche 28 janvier 2018

Eastsiders, from the inside



Je regarde assez peu de web séries (je ne sais jamais trop où les chercher). Mais quand Eastsiders est arrivée sur Netflix, je n’ai pas pu faire autrement que d’écouter mon entourage convaincu que celle-ci était faite pour moi (coucou Jérôme !). Et en effet, j’ai adoré et je me suis avalé les trois saisons très rapidement.
EastSiders suit un couple de garçons qui vit à Silver Lake, Los Angeles et qui se questionne (beaucoup !) sur le concept du couple et la notion de la fidélité. A cela s’ajoutent les histoires romantico-sexuelles de leurs amis, toutes moins conventionnelles les unes que les autres. Pour faire court, EastSiders, c’est très américain, très bavard, très LGBT et terriblement attachant. Mais comme il est difficile de résumer ce que ça raconte, parlons pour une fois de l’envers du décor. Mini making-of en cinq points :

Le rôle de Kit Williamson : l’acteur principal qui incarne le névrosé et dépressif Cal est également le créateur, l’auteur et le réalisateur de la série. Autant dire qu’Eastsiders, c’est lui. Et d’ailleurs, ça sent le vécu. D’où l’extrême réalisme de certaines conversations et de certaines situations, qui reflètent assez précisément le quotidien de trentenaires homos. En tout cas, je m’y suis retrouvé et/ou reconnu plusieurs fois.
Notons que si Cal est un tant soit peu l’alter-égo de Kit, il est à parier que celui-ci a encore un certain nombre de choses à régler avec son homosexualité, sa mère, son art…, tant le personnage de Cal est parfois difficile à suivre dans ses névroses.

La place de John Hallbach : dans la vie, Kit Williamson est en couple avec le comédien John Hallbach. Il aurait pu pousser l’auto-fiction jusqu’à lui proposer le rôle de Thom (le mec de Cal). Il a préféré lui offrir celui d’Iain, personnage hétéro, navigant un peu malgré lui dans l’univers de Cal et Thom et qui se débat lui aussi comme il peut dans ses relations amoureuses. Pas forcément le personnage le plus intéressant de prime abord, Iain est pourtant soigné par l’écriture (et donc par son mec à la ville) et avec le jeu plutôt sobre d’Hallbach, il devient vite un des piliers de la série, peut-être au détriment d’autres personnages (comme Jeremy) qu’on aimait pourtant bien. Comme quoi, ça peut parfois aider d’être maqué avec le réal…

Le choix de Van Hensis : à priori inconnu du public français, Van Hensis qui incarne Le libertaire (ou libertin ?) Thom a déjà bien marqué l’histoire de la télévision LGBT américaine. Pendant 6 ans, il a incarné Luke Snyder, premier personnage gay ayant partagé à l’écran un baiser avec un autre garçon dans As the world turns, un daytime soap, c’est à dire un feuilleton regardé l’après-midi par un public à priori plutôt âgé. How shocking ! Et ben non,  c’est passé comme une lettre à la poste ; Luke et Noah sont même devenus l’un des « super couples » de la série - comprendre un couple qui résiste au temps, fait plutôt rare dans les soaps. Van Hensis est l’un des chouchous des spectateurs. Et on comprend donc le choix de Williamson de donner à ce comédien au sourire ravageur le rôle de charismatique et séduisant Thom (j’avoue, j’avoue, suis plutôt dans la #teamThom).

Le cast éclectique : en plus des soaps, Williamson a complété son casting en allant parfois le chercher là où on ne l’attendait pas. C’est le cas par exemple de Willam Belli, le comédien incarnant Douglas alias Gommorah Ray, la drag-queen si folle et si touchante, à qui est consacré entre autres le superbe épisode 1 de la saison 3. S’il a joué dans Nip/Tuck, l’acteur est surtout connu pour être l’un des anciens candidats de la fameuse télé-réalité, Rupaul’s Drag Race, LE phénomène Drag aux USA, gros carton ayant popularisé comme jamais le transformisme sur la chaine LGBT Logo TV.
Williamson a également recruté dans un cinéma moins traditionnel puisqu’il a proposé à l’acteur porno Colby Keller de faire une apparition dans deux épisodes de la saison 3. Clairement, Williamson se fait plaisir et fait un gros clin d’œil à son public mais il s’avère contre toute attente de Keller est un bon comédien, même habillé.

La diffusion de la série : les deux premiers épisodes de la série furent d’abord proposés sur YouTube pour capter l’attention du public et prendre la température de l’accueil que recevrait la série. Fort de son succès, la production propose alors à ses téléspectateurs de participer au financement de la série via une campagne de crowdfunding qui permit à la série d’exister (idée renouvelée pour les saisons 2 et 3). Le budget limité se ressent d’ailleurs parfois dans la photographie ou la prise de son. Mais qu’importe, c’est le prix à payer pour voir exister cette série. Proposée par la suite sur le site de Logo TV puis sur Viméo et enfin sur Netflix, Eastsiders semble être parvenu à mettre en place un modèle économique nouveau -bien que sans doute fragile- qui lui permet une liberté totale de ton et de format (la durée des courts épisodes de la saison 1 varie sans cesse).



Réaliste et crue dans ce qu’elle raconte (mais jamais dans ce qu’elle montre – j’en veux pour preuve le génial épisode 3 de la saison 2 consacré en grande partie au plan à trois), Eastsiders pourrait être une cousine moins polissée, plus torturée de Looking. Un peu comme son équivalent hispter et californien en somme. Avec en plus l’avantage de présenter une galerie de personnages plus diverse. Espérons que la visibilité non négligeable que peut lui offrir Netflix permettra à la série de revenir encore une fois nous parler des questionnements sans fin de Cal et Thom et de leur recherche impossible du bonheur.