samedi 31 octobre 2015

Rentrée des séries tout en hystérie



Je m’étais laissé un mois. Quatre semaines de diffusion pour laisser sa chance au produit. Ou plutôt aux produits. Parmi toutes les nouveautés de la rentrée des networks US, j’avais décidé d’en sélectionner trois, un peu aléatoirement. J’ai rapidement mis de côté Minority Report, à cause du mauvais bouche à oreille qui en émanait (à juste titre puisque la série, adaptée du long métrage de Spielberg, est d’ores et déjà annulée) et Limitless (autre adaptation d’un long métrage), dont le film original ne m’avait pas du tout assez convaincu pour que je me farcisse sa déclinaison sérielle. Me restait donc  Blinspot, Quantico et Scream Queens. Douze épisodes plus tard (quatre par série, donc), le verdict n’est pas brillant. Et moi, je me demande si je n’ai pas pris un certain coup de vieux.

Blindpsot
Genre : The Black List qui aurait bouffé Prison break qui aurait bouffé John Doe. Oui, c’est indigeste.
Pitch : Le FBI enquête sur une femme amnésique (coucou John Doe) et tatouée de la tête aux pieds (coucou Michael Scoffield)  découverte en plein Time Square. Rapidement on comprend que chacun des tatouages est un indice pour déjouer une affaire criminelle. Encore faut-il les décrypter.
Cast & crew : Dans le rôle de la tatouée amnésique, la vraiment très jolie Jaimie Alexander surtout connue pour avoir incarné Lady Sif dans les Thor et dans Agents of SHIELD. Dans le rôle de l’enquêteur du FBI, l’insipide et tête à claque Sullivan Stapleton. Inconnu de mes services, il aurait mieux fait de le rester. Mention spéciale à Ashley Johnson qui, pour une raison que j’ignore, est une comédienne que j’aime bien. A la tête de la série, Martin Gero, créateur de Stargate Atlantis et Bored to death.
Analyse : D’abord, Blindspot est hystérique : avant même de comprendre la problématique des tatouages, tout le FBI est déjà sens dessus-dessous, prêt à imploser ; alors que si on traite les choses objectivement, ils ont seulement affaire à une meuf un peu arty qui fait probablement un gros bad trip. Pas de quoi mobiliser la moitié des ressources du pays. Mais non, tout le monde s’excite et tout va toujours très vite dans Blindspot ; du coup, au moindre indice suspect, on court, on fonce et forcément ça dérape. Mais ça dérape juste comme il faut car oui, tout est trop facile dans cette série. C’est bourré d’incohérences, de Deux Ex Machina ou de coïncidences énormes. La moindre difficulté est éliminée par une ligne de dialogue, souvent balancée par la scientifique de l’équipe, omnisciente, qui ferait passer Chloé O’Brian ou Abigail Sciuto pour des stagiaires en 1ère année. Les personnages ne sont jamais perdus ni en danger. Il n’y a aucun enjeu. Du coup, rien n’a d’importance, et on décroche en attendant bêtement que chaque enquête dont, clairement, on se fout totalement, se conclue. Reste alors la mythologie de la série ("qui est vraiment cette inconnue tatouée ?") : au quatrième épisode, on a bien compris qu’on allait nous diluer les indices sur toute la saison et du coup, là aussi on décroche.
Note globale : 3/10
Chances de survie : une saison entière a été commandée par NBC mais ça sera sans moi, les gars.

Quantico
Genre : How to Grey’s away with Homeland. Oui, c’est de la bouillie ; non, ça ne veut rien dire. CQFD.
Pitch : Suite à l’explosion de Grand Central Station à New York, une jeune agent du FBI (tiens, encore ce FBI…) se retrouve, à tort, accusée de terrorisme. Elle doit donc enquêter sur ses anciens camarades de classe pour découvrir, qui, parmi eux est le véritable coupable. L’occasion pour la série de nous renvoyer quelques mois en arrière, à Quantico, au début de la formation des nouveaux agents.
Cast & Crew : Obviously, le premier critère de recrutement des comédiens a été leur plastique. Ce ne sont que des gravures de mode, assez lisses dans l'ensemble, avec parmi elles, quelques vagues têtes connues (Josh Hopkins d'Ally McBeal et Cougar Town ou Johanna Braddy vue récemment dans UnReal). Mais c'est surtout la présence de Privanka Chopra, méga-star à Bollywood, qu'il faut retenir ici. Joshua Safran, créateur de la série, avait précédemment bossé sur Gossip Girl et Smash.
Analyse : on n’avait encore rarement vu un tel niveau de pompage. Quantico n’invente rien et ré-exploite pêle-mêle les recettes efficaces de shows pré-existants : de Grey’s Anatomy, on retrouve les histoires de cœur et de fesses (la rencontre Alex-Ryan repose sur le même ressort scénaristique que celle de Meredith-Derek), les jeunes internes en formation et même le prénom de la formatrice-black-sévère-mais-juste. De How to get Away, Quantico a repris le montage hystérique tout en accéléré, la structure en flash-backs et l’accumulation de faux-semblants et de vraies fausses pistes. Enfin on retrouve d’Homeland sa dimension paranoïaque et sa thématique du terrorisme.
Au final, ça donne un truc plutôt indigeste mais qui fonctionne à peu près. Je dis bien à peu près. Rien n’est crédible (ni les persos, ni les scripts) mais l’utilisation efficace de cliffhangers et de rebondissements à foison retient le spectateur devant son écran d’un épisode à l’autre. C’est pas de la grande télé, mais ça marche. Kind of.
Note globale : 6/10
Chances de survie : Là aussi, la série a reçu un feu vert pour une saison complète, sur ABC cette fois. Mais va falloir que le niveau général remonte pour que je m’accroche. Doit faire ses preuves à l’examen.

Scream Queens
Genre : Scream rencontre Glee et font un bébé ensemble.
Pitch : un serial killer sème la mort et la panique sur un campus américain et semble viser tout particulièrement la sororité Kappa Kappa Tau et ses membres plus pimbêches les unes que les autres.
Cast & Crew : alors là, c’est le festival du name-dropping. Ryan Murphy (créateur de Glee et American Horror Story) réunit à l’écran Emma Roberts (Scream 4), Lea Michele (Glee), Abigail Breslin (Little Miss Sunshine) et Jamie Lee Curtis (LA scream queen par excellence). Il se paye également des petits guests sympathoches issus de la variété ‘ricaine avec Ariana Grande et Nick Jonas. Un cast plutôt fun dans l’ensemble.
Analyse : le plus grand et le plus magistral WTF de tous les temps. Ça part dans tous les sens, ça n’en a aucun, c’est totalement débile, hystérique et pas crédible pour deux sous.
MAIS (oui, c’est un gros "mais")… c’est totalement assumé. Ryan Murphy s’amuse comme si on lui avait donné entièrement carte blanche pour faire n’importe quoi. Et par moments, ça donne bizarrement des scènes ou des personnages qui sont vraiment très drôles (toutes les scènes avec l’agent de sécurité Denise Hemphill en sont de bons exemples). Mais la plupart du temps, on se demande quand même ce qu’on fout là. Tout va très vite, on ne comprend pas trop quelle logique suivent les personnages et on reste toujours un peu en retrait par rapport à ce qui défile sous nos yeux. Et puis ça fatigue. Certes les dialogues sont ciselés à la virgule près et les bitcheries volent bas, mais tout ce cirque finit par lasser.
Note globale : n’ayant pas encore cerné le propos de cette série et les intentions de son auteur, je resterai neutre : 5/10.
Chances de survie : Certes ça me fait marrer par moment, mais ça ne suffira probablement pas à me faire aller plus loin dans une saison pourtant annoncé comme courte (15 épisodes prévus sur la Fox pour cette première saison).


Après un premier mois de visionnage de ces trois séries, une question me taraude : serais-je devenu trop vieux pour ces conner… pour ces séries ? Même si elles n’ont pas grand-chose à voir les unes avec les autres, elles ont quand même pour point commun leur hystérie et leur montage épileptique. Qu’importe la crédibilité des scénarios, tant qu’il se passe des choses. L’efficacité semble être le mot d’ordre des scénaristes, au détriment des histoires et surtout des personnages. Il faut que ça aille vite. Trop vite. Et perso, je décroche. Et je me rabats avec grand plaisir sur des séries plus contemplatives qui prennent leur temps, à l’instar des The Affair ou The Leftovers.

mardi 13 octobre 2015

Dix pour Cent: validé à 2000%

Cette série, ça fait bien longtemps que je l’attends. A peu près depuis le moment où Cédric Klapisch a commencé à poster des photos du tournage sur Instagram il y a de ça un an. Et l’impatience est montée d’un cran après le dernier festival de la Rochelle et la diffusion hors compétition des premiers épisodes qui ont fait parler de la série, notamment pour sa qualité d’écriture et de jeu. Dix pour Cent arrive enfin  ce mercredi 14 octobre, sur France 2. J’ai eu l’occasion de voir les six épisodes que compte cette première saison et ma sentence est sans appel : il FAUT regarder Dix pour Cent. Au moins pour ces cinq raisons :



Des personnages soignés : Dix pour Cent raconte le quotidien de quatre agents de comédiens qui jonglent entre leur travail auprès de clients plus ou moins célèbres, les complications financières et successorales engendrées par le décès du fondateur de l’agence et leurs problèmes personnels, familiaux et/ou sentimentaux.
De mémoire de moi, c’est la première fois qu’une comédie française de 52 minutes réussit à donner vie aussi joliment à près d’une dizaine de personnages. A la fois drôles et touchants, crédibles et loufoques, pas un seul d’entre eux n’est laissé pour compte. Certes, certains occupent le devant de la scène et sont donc forcément plus riches (Andréa, Gabriel, Matthias et Camille pour ne pas les citer), mais les rôles secondaires sont tout aussi soignés et attachants que les premiers rôles. En cela, le personnage de Sophia - auquel on ne s’intéresse pas forcément spontanément - compte parmi mes préférés et sa trajectoire est l’une des plus touchantes de Dix pour Cent.
Dans cette série chorale, chacun a donc une histoire à défendre et aucun n’est oublié en court de route. On ressent une profonde bienveillance des scénaristes pour leurs personnages. 
Et si certains sont un peu caricaturaux (Hervé et Noémie), le jeu des comédiens - vraiment TOUS parfaits - nous fait oublier leurs traits de caractère volontairement un peu appuyés. De même, certaines histoires paraissent déjà vues de prime abord (l’arrivée de la fille cachée par exemple) mais les scénarios et les dialogues, génialement écrits par Fanny Herrero et son équipe, parviennent à crédibiliser n’importe quelle situation.
Au final, on en vient à aimer tous les personnages, y compris ceux présentés comme antipathiques, aucune storyline n’est traitée à la légère et à la fin de la (trop courte) saison, le spectateur est pleinement satisfait de l’avancée de chacun des arcs narratifs. Allez, seul petit bémol: je regrette que le personnage d'Arlette ne soit pas plus développé.

Camille Cottin : Dix pour Cent a beau être une série chorale avec un casting remarquable (je ne le dirai jamais assez), je suis obligé d’admettre que Camille Cottin envoie du très très lourd dans ces six épisodes. Vraiment drôle, la comédienne confirme qu’elle a un sens percutant et terriblement efficace du rythme et de la comédie. Mais ça, on le savait déjà depuis Connasse. Pourtant la comédienne nous surprend tout autant lorsqu’elle dévoile d’autres aspects de son personnage, plus tendres, plus émouvants. Le duo qu’elle partage avec Grégory Montel donne des scènes intimistes confondantes de douceur. Et son histoire d’amour à priori inimaginable finit par nous prendre aux tripes après nous avoir fait rire dans ses débuts. Certes le personnage d’Andréa et sa trajectoire ont été parfaitement dessinés par les scénaristes, mais le talent de Camille Cottin vient y apporter un supplément d’âme indéniable.

Les guests : c’est probablement sur cet aspect que la série a le plus fait parler d’elle. Dans chaque épisode, des guests viennent jouer leurs propres rôles dans des histoires loufoques, pleines d’autodérisions. Le procédé n’est pas nouveau, Entourage et Platane l’avaient déjà fait auparavant. Mais ici, à la différence de certains cas dans la série d’Eric Judor, les invités ne prennent pas toute la place. Ils se mettent au service d’une histoire certes souvent très drôle mais qui reste secondaire, le temps d’un épisode. Les vraies stars de la série restent les personnages fictifs de l’agence. Avec ses invités, Dix pour Cent ne cherche pas à leur servir la soupe gratuitement ou à faire dans le bling-bling. Au contraire, elle s’en sert avant tout pour servir son sujet et crédibiliser ses storylines.

La direction artistique : En plus d’être drôle et bien écrite, Dix pour Cent est aussi une série belle à regarder.
La réalisation de Cédric Klapisch mais aussi celles d’Antoine Garceau et de Lola Douillon (ne les oublions pas) proposent plein de belles idées, joliment exécutées et servies par une magnifique photographie : le premier plan-séquence dans les couloirs de l’agence, celui de la date entre Camille et Hippolyte ou encore le joli moment où Matthias, face à sa conscience, imagine le regard lourd de jugement de ses collègues.
Les décors sont tout aussi soignés : les bureaux de l’agence - où se déroule la majorité de l’action - reconstitués en studio sont splendides et les maisons des stars font envie.
Enfin, le générique, riche, élégant, léché est à l’image de la série qui visiblement semble ne rien avoir négligé.


La musique : ici c’est le fan de l’Auberge Espagnole et des Poupées Russes qui parle. Cédric Klapisch retrouve dans Dix pour Cent Loïk Dury et Christophe "Disco" Minck, qui avaient déjà écrit la superbe BO de ces films. Toujours dans le même univers musical, les deux compositeurs illustrent une fois de plus à merveille l’univers du réalisateur. Tantôt enlevée, tantôt plus grave, la musique se met parfaitement au service des différents aspects de la série.
Petit message en douce aux producteurs : vivement que la BO soit disponible !



Produite par Mon Voisin Productions (la société de Dominique Besnehard, à l’initiative du projet et s’inspirant ici de sa propre expérience d’agent) et Mother Production, Dix pour Cent est la première belle surprise française de cette saison 2015-2016. En attendant d’autres évènements tout aussi attendus comme Panthers ou Versailles, je ne saurais insister plus lourdement pour vous conseiller de vous intéresser à cette série : c’est frais, léger, touchant, ça fait du bien et c’est  beau à regarder ! Je signe sans hésiter !