jeudi 30 avril 2015

The one with no title



Le moins évident lorsqu’on tient un blog est parfois de trouver un titre percutant pour chaque article posté. Il faut qu’il soit explicite, clair et si possible un peu drôle. Difficile exercice donc qui m’a fait réfléchir aux intitulés donnés par les scénaristes non pas aux séries télé, mais aux épisodes de celles-ci. La plupart des séries n’y accordent que peu d’importance et ne cherchent pas la figure de style sur un titre qui est, il faut bien le dire, totalement ignoré la plupart du temps par les téléspectateurs. Mais il faut également reconnaitre que certains auteurs y accordent une importance toute particulière qui mérite qu’on s’y attarde un moment.
(cet article concerne les titres anglais, sauf précision)


Les sans-imagination :
Engrenages, Maison Close, Pigalle la nuit, Les Témoins : visiblement, les scénaristes français n’ont pas vraiment le cœur à se creuser les méninges pour trouver des titres d’épisodes originaux. Ils préfèrent tout simplement les baptiser épisode 1, épisode 2, épisode 3… et ce, quelle que soit la saison.  Au moins, reconnaissons que ça a le mérite d’être clair, à défaut d’être fun.
24 : même s’ils ne se démarquent pas pour leur originalité, les titres des épisodes de 24 suivent la logique de la série en présentant l’heure à laquelle l’épisode se déroule, avec en prime le numéro de la journée concernée à partir de la saison 2. Ça donne par exemple du Day 4 -  9 :00 a.m. – 10 :00 a.m. Simple, efficace et sans fioriture.


Les compléments du titre de la série :
2 Broke Girls : Ca n’est pas beaucoup plus recherché que pour les séries de la catégorie précédente mais ça fonctionne. Chaque épisode porte un titre démarrant par "and the…" pour présenter brièvement ce à quoi les 2 héroïnes vont être confrontées. A lire après le titre de la série, donc.
Looking : même principe que pour 2 Broke Girls si ce n’est que le verbe to look prend un sens différent selon la préposition qui l’accompagne. Bon nombre d’épisodes commence par "Looking for…" mais les scénaristes ne se sont privés d’utiliser d’autres prépositions pour donner une touche particulière à l’épisode.

Les personnages concernés :
Skins, Dates, Full Circle : Dans ces trois séries anglaises, les épisodes portent le nom des personnages autour desquels se focalise l’histoire, qu’ils soient seuls comme dans Skins ou en duo comme dans Dates et Full Circle.
Nip/Tuck, Six Feet Under: dans ces séries, les épisodes portent le nom des clients dont vont s’occuper les héros : les patients dans un cas, les défunts dans l’autre. Dans un cas, certains épisodes peuvent avoir le même titre en raison de retour d’un personnage. C’est beaucoup plus rare dans l’autre.


Les jeux de mots en français
Dawson’s Creek : le personnage principal étant fan de cinéma, les traducteurs ont eu l’idée un peu rabattue, certes, mais marrante de détourner des titres de films. Avec parfois des petites touches de génie comme l’épisode où la garce de Capeside meurt noyée et qui fut baptisée "Et au milieu coule une vipère".
Desperate Housewives : même procédé que pour Dawson si ce n’est que les traducteurs ne se sont pas contentés de detourner des titres de films mais ont aussi inclus des chansons et des livres. Ça donne des "Mon Mari à tout Prix", "Les Grands Malheurs de Sophie" ou "Les Copines d’abord".

La nourriture
Hannibal : le personnage principal étant un fin gourmet reconnu (si l’on oublie de quelle viande il se sert), les scénaristes de la série rendent hommage à son art culinaire en nommant les épisodes avec des plats issus de la cuisine française en saison 1, japonaise en saison 2 et italienne en saison 3 (à venir).
Please like me : Si les plats mentionnés dans les titres d’Hannibal n’ont souvent aucun rapport avec l’histoire, ceux de Please Like Me sont systématiquement liés à ce que le héros mange dans l’épisode. Là encore, simple, anecdotique, rigolo.

Le thème de la série
The Big Bang Theory : la sitcom présentant une bande de matheux surdiplômés, chaque épisode porte en anglais le nom d’un protocole scientifique. Et il faut bien admettre que la performance devient un véritable tour de force au bout de 8 saisons car les scénaristes continuent de trouver de jolies expressions pour nommer les épisodes.
Kaamelott : en saison 6, la série présente en flash-backs la montée au pouvoir d’Arthur du temps où il vivait à Rome. En toute logique, les épisodes se voient donc attribués des citations latines en guise de titre. Classe. Même Rome n’y avait pas pensé.

Les citations
Desperate Housewives : dans la version originale, selon la volonté du créateur Marc Cherry, la plupart des épisodes sont des titres ou des paroles du chanteur Stephen Sondheim. L’artiste n’ayant pas un catalogue illimité, cette idée n’a pas pu être tenue sur l’intégralité de la série.
Damages, How to Get Away with Murder : ces deux séries choisissent elles aussi de faire appel à des citations mais cette fois, ce sont les dialogues même de l’épisode concerné qui font office de titre.

Les titres méta
Friends (et Platane par la suite) : Je l’avais déjà expliqué ici, mais le cas de Friends est un peu particulier. Oublions la version française dont chaque titre commencait par "Celui qui" désignant un personnage. En anglais, les épisodes étaient tous baptisés "The one with" ou "the one where", the one désignant alors l’épisode lui-même, reprenant ainsi l’expression consacrée des fans qui parlent de l’épisode où il s’est passé ceci ou cela. Idée allègrement repompée par Platane.
H : un peu moins assumée, l’idée des titres de H reprend de façon un peu plus simpliste celle développée dans Friends en intitulant tous les épisodes "Une histoire de…". Soit.


La particularité The Good Wife
Les titres des épisodes sont écrits en fonction de la saison dans laquelle ils sont situés. En gros, en saison 1, les titres ne comportent qu’un seul mot ; ils en comportent deux en saison 2, trois en saison 3… et ainsi de suite. Mais à partir de la saison 5, les scénaristes ne souhaitant pas faire de titres à rallonge, le nombre de mots à commencer à décliner. Ce qui peut laisser penser que la saison 7, qui présentera des titres avec un seul mot, pourrait être la dernière…



Trois petites mentions particulières pour finir :
- "Felina" (Final de Breaking Bad): en plus d’être un anagramme de Finale, ce mot est composé de trois éléments chimiques représentatifs de ce dernier épisode : le fer (Fe) présent dans le sang, le lithium (Li) présent dans les amphét’ et le sodium (Na) contenu dans les larmes. Joli référence.
- "Ch-ch-changes" : Cette chanson de David Bowie compte parmi les titres les plus utilisés dans les séries télé (Roswell, Dawson, CSI, Brotherhood, Friday night lights) pour une raison qui m’échappe encore.
- Sexe, Mensonge et Vidéos est de loin le titre le plus détourné dans les séries. Je ne compte même plus le nombre de fois où j’ai retrouvé un jeu de mots fait à partir du film de Steven Soderbergh.


Voilà, ça ne sert souvent à rien puisque que personne ne les retient mais c’est toujours louable de voir que certains scénaristes s’amusent à faire de l’écriture de titres d’épisodes un exercice de style original et ludique.

jeudi 2 avril 2015

Témoins d'une jolie surprise



Bilan très réussi pour France 2 et ses Témoins qui ont achevé leur première saison hier soir. Joli succès d’audience, la série de Marc Herpoux et Hervé Admar (Les Oubliées) s’était même permise de surpasser TF1 le soir de la diffusion des deux premiers épisodes. Il faut dire que le battage médiatique avait battu son plein dans les quelques semaines qui ont précédé le début de la série. Petit bilan perso d’une série qui, bien que pas totalement aboutie, a révélé de très jolies surprises.
(J’ai essayé de ne pas trop spoiler, pour ceux qui n’auraient pas encore vu la fin, mais il est sans doute préférable d’avoir vu les 6 épisodes de cette courte saison.)



Les Témoins suivent l’enquête de Sandra Winckler, jeune flic du Tréport, en Haute-Normandie, autour de cadavres déterrés et placés dans des maisons-témoins. Très vite, des indices dissimulés dans les maisons amènent les enquêteurs à faire le lien avec Paul Maisonneuve, ancien flic retraité de la PJ de Lille : les coupables ont visiblement un message à lui faire passer. Celui-ci revient donc prêter main forte aux équipes en place. Commence alors une fouille dans le passé de Paul pour résoudre l’enquête de Sandra.

 
Les Témoins est un bon polar, comme la télévision française est capable d’en offrir régulièrement. Parfois un peu lent, le scénario prend son temps pour résoudre les mystères que l’enquête révèle. Mais il fait bien car le tout n’est pas si facile à suivre et le spectateur est parfois un peu noyé sous la liste de noms qu’on lui présente, surtout dans les premiers épisodes. Pourtant, et comme souvent dans les histoires d’enquête, ce sont ces premiers épisodes qui sont les plus réussis. Tout est nouveau, tout est à découvrir et l’on prend beaucoup de plaisir à s’immerger dans cette histoire de vengeance d’outre-tombe. La mise en place d’une ambiance lugubre, avec des scènes de crimes macabres, des décors sinistres et une météo peu chaleureuse, plonge le téléspectateur dans une atmosphère pesante, inquiétante. Très réussi.
Par la suite, le récit avance tranquillement, quelque fois de façon un peu trop linéaire, un peu trop facile. Il s’égare aussi parfois un peu, avec notamment une vraie fausse-piste autour d’un faux vrai-suspect qui vient prendre une place importante dans la saison et qui nous éloigne un bon moment de l’enquête initiale. Pas gênant de prime abord, c’est surtout à postériori qu’on se demande pourquoi avoir passé autant de temps à suivre une voie qui ne va finalement pas bien loin. Tant pis.
La solution de l’énigme est moins forte que la mise en place de celle-ci car les révélations finales ne sont pas tout à fait à la hauteur des attentes suscitées par les premiers épisodes. Alors certes, c’est un peu facile, c’est un peu convenu mais au fond ça fonctionne pas si mal. Ca fait le job, comme on dit. J’attendais peut-être juste un peu plus de surprise au moment du dernier épisode. Sans être raté (loin de là), c’est juste un peu dommage.


Mais ces petites facilités du scénario sont compensées et oubliées par d’autres atouts de taille. Le premier est sans conteste le lieu choisi pour cette série. Le Tréport, ville balnéaire de la Seine Maritime, offre des décors magistraux pour ce polar humide. La régions est superbement mise en valeur par une photographie glaçante, froide et par une réalisation offrant bon nombre de plan larges et de vues aériennes. Les falaises, le bord de mer, le centre-ville, les campagnes alentours et même les cimetières, chaque recoin est utilisé avec intelligence. Mêmes les intérieurs parfois vieillots, décrépis viennent ajouter du charme et de l’authenticité à la série. Et bizarrement, ça donne envie de découvrir la région et le site incroyable du Tréport et ce, malgré l’ambiance parfois glauque amenée par le récit.

L’autre atout majeur de cette série est son casting, et surtout la révélation incontestée de Marie Dompnier. Alors évidemment, Thierry Lhermitte est parfait, mais ça n’est plus une surprise pour personne : le mec a du charisme, il a du métier et il incarne à la perfection ce personnage mi-sympathique mi-inquiétant. Idem pour l’autre tête d’affiche, Laurent Lucas, dans un rôle malheureusement peu important mais devenu assez habituel pour le comédien. Mais si les deux hommes sont les plus connus, c’est pourtant sur les épaules de Marie Dompnier que repose la série. C’est elle la véritable héroïne de la série. Impressionnante de naturel, la comédienne assure avec une sacrée présence ce rôle de flic déterminée. Tout aussi convaincante dans les scènes (malheureusement trop rares) traitant de la vie personnelle de Sandra,  l’actrice réussit à instaurer une vraie empathie pour ce personnage pourtant pas toujours très chaleureux. Très jolie performance. Elle reprendra d’ailleurs son rôle dans une seconde saison déjà en préparation, mais cette fois sans Thierry Lhermitte.

Enfin, mention spéciale pour le générique de la série. Et c’est trop rare en France pour qu’on oublie de le préciser. Musique superbement choisie, images magnifiquement travaillées, les quelques secondes que dure ce générique suffisent à créer une atmosphère représentative de ce que sera la série. Un vrai petit bijou.



Un bon bilan donc pour cette nouvelle création originale de France Télévisions. Les Témoins n’est sans doute pas la série du siècle mais elle fait incontestablement partie des bonnes surprises de ces dernières années. Avec toujours cette ambition de faire de belles séries, Hervé Admar et Marc Herpoux sont peut-être en train d’imposer un style qui s’attache à valoriser tout autant le scénario que la photo et les comédiens.