lundi 31 mars 2014

True Detective : vrai phénomène !



Tout le monde n’a parlé que de cette série en ce début d’année 2014 et tout le monde n’en a dit que du bien. Faut dire que tout le monde a pas mal raison quand même. True Detective, c’est clairement une des plus belles trouvailles de l’année. Anthologie (comprendre une histoire bouclée en fin de saison, et un cast qui ne fera pas de seconde saison) composée de 8 épisodes écrits intégralement par Nick Pizzolato et magnifiquement réalisés par Cary Fukunaga, True Detective fait à ce sens figure d’exception : il est rare de voir des séries créées à quatre mains de bout en bout. Il en ressort une cohérence et une fluidité dans le récit assez remarquable. Comme tout a été déjà dit sur cette série (et à ce titre, je vous recommande la lecture du billet de Yann sur son blog séries, celui de Nicolas Robert sur le DailyMars et celui, plus nuancé, de Benjamin Nilset paru sur le NouvelObs), j’ai longuement hésité à venir apporter ma pierre à l’édifice. Et finalement, je ne résiste pas à vous faire part - même brièvement - des cinq raisons pour lesquelles il vous faut voir cette série : cinq aspects que tout le monde a décortiqués, alors pourquoi pas moi.



Le générique : rien que pour ça, la série vaut le coup d’œil. La chanson Far From Any Road de The Handsome Family est une magnifique trouvaille. Collant parfaitement à l’ambiance de la série, cette chanson passe en boucle dans mon iPod depuis l’épisode pilote. Mais les images ne sont pas en reste dans ce générique qui a l’énorme avantage de pouvoir se regarder plusieurs fois tout en continuant à voir des choses à coté desquelles on était passé la (ou les) première(s) fois. C’est magnifique donc, et c’est très riche. Ça n’est pas forcément toujours compréhensible quant à ce que ça raconte, mais who cares ? C’est beau.



Matthew McConaughey[1] évidemment (mais Woody Harrelson aussi) : on n’a parlé que de lui. Et à juste titre. Même si la série est un polar très noir, l’enquête policière, au demeurant passionnante, n’est finalement pas le cœur de la série. Non, comme son nom l’indique, True Detective est tourné vers son personnage principal. Et qui mieux que Matthew et son accent parfaitement imbitable pour interpréter un flic originaire du Texas débarquant dans le bayou louisianais ? Sa voix, sa gestuelle, sa démarche, ses bruits de bouche, tout est parfait. Par moment vraiment flippant, son personnage hors du commun fascine. Il crève totalement l’écran et a même bien du mal à ne pas attirer tous les projecteurs à lui.
Et pourtant, je me dois d’insister : Woody Harrelson est tout aussi remarquable. Son interprétation vaut largement celle de son collègue, même s’il a peut-être moins de choses à défendre avec un personnage moins original que celui de McConaughey. Mais sa mâchoire prognathe, son regard dur et sa diction pas beaucoup plus développée m’ont tout autant captivé.
Grand numéro de comédiens. Dommage de savoir qu’ils ne seront pas dans la saison 2.

Le plan séquence de l’épisode 4 : ca a fait le tour du net. La conclusion de l’épisode 4 est venue repousser les possibilités techniques des séries télévisées. Un plan séquence, pour ceux qui l’ignorent est une scène filmée en un seul plan sans coupe et donc sans montage. Techniquement, ça demande beaucoup de préparation, même quand la scène en question est simple. Alors quand celle-ci se complexifie au maximum avec des intérieurs et des extérieurs multiples, des effets pyrotechniques, des armes, des véhicules (incluant un hélico), des figurants par dizaines, on ne peut qu’être scotché. Au total, c’est un plan de 6 minutes (avec peut-être, je dis bien peut-être, une coupure dissimulée à la 3ème minute) totalement improbable. 
C’est même si bluffant que la séquence a ses limites : un peu en décalage avec le ton du reste de la série, la scène dénote. Même ce qu’elle raconte n’a finalement pas grand-chose à voir avec la trame principale. Et personnellement, j’ai été plus happé par la forme que par le fond de la séquence. Ce qui n’est jamais très bon : la technique se doit de s’effacer derrière le récit. M’enfin, force est de constater que c’est ahurissant.
J’insère la vidéo dans cet article : évidemment ça spoile ! Mais finalement rien de très dramatique pour ceux qui n’ont rien vu, rapport à ce que je disais plus haut sur la singularité de la scène.



La gestion du temps qui passe : l’enquête racontée ici se déroule sur 15 ans. Les quatre premiers épisodes (et demi pour être exact) sur concentrent sur l’année 1999, les deux suivants se déroulent en 2002 et les deux derniers se situent en 2012. Se rajoutent à cela des scènes de 2012, absolument fascinantes, qui viennent régulièrement interrompre la narration dans les premiers épisodes. Elles font même tout le sel de la série en posant la question qui tue : comment en est-on arrivé là ? Procédé ultra utilisé en série télé, le flashforward a rarement été aussi maitrisé qu’ici. Et malgré tout, avec tous ces bonds dans le temps, le récit reste globalement assez linéaire et d’une relative limpidité pour peu qu’on reste un peu concentré sur ce qui se dit. Le maquillage, les coiffures, les costumes et les décors, brillants, aident d’ailleurs à se situer dans la chronologie de cette histoire.

Le dernier épisode sordide et inattendu : évidemment je ne vais pas vous raconter la fin. Mais je dois tout de même prévenir les plus sensibles : True Detective, c’est noir, sordide. Un peu comme un roman de Maxime Chattam ou un épisode d’Hannibal. Et le dernier épisode confirme cette noirceur dans une scène assez éprouvante pour les nerfs. Une fois encore, la réalisation est magistrale. Mais bon sang, c’est stressant. Beaucoup ont été déçus de la toute fin de la série. Sans aller jusque-là, je dois quand même dire que j’ai été surpris. Les derniers dialogues ne sont pas les plus réussis de la saison, mais au final, le scénariste reste fidèle au ton de son récit jusqu’au bout et c’est tout à fait honorable.


En ces temps où on reproche aux séries américaines de ne plus rien livrer de potable, True Detective est là pour prouver le contraire. Véritable phénomène dans le monde télévisuel, elle devrait faire beaucoup de bruit aux prochain Emmys. La seconde saison n’a pas encore été officiellement annoncée mais on imagine mal HBO tuer la poule aux œufs d’or si rapidement. Les paris sont d’ores et déjà lancés : qui reprendra le flambeau après Matthew et Woody ?


[1] J’ai toujours pas compris comment ça se prononçait. Et j’ai forcément dû vérifier l’orthographe de son nom sur IMDb.

mardi 11 mars 2014

Crucifions joyeusement Resurrection!




Enchainer dans la même soirée le magnifique final de True Detective (j’y reviendrai un autre jour) et le pilote de Resurrection, ça fait un sacré grand écart. Hier soir, ABC lançait sa nouvelle série qui reprend un pitch bien similaire à celui des Revenants, même si les producteurs (Brad Pitt en tête) répètent à tout va qu’elle ne s’en inspire pas : un enfant est retrouvé au milieu d’une rizière chinoise sans qu’on sache comment il est arrivé là. Lorsqu’on parvient enfin à le ramener chez lui, on apprend que ce petit garçon est mort noyé il y a 32 ans. Vrai carton en termes d’audiences, Resurrection se paye le luxe de détrôner un épisode de The Walking Dead, mais il ne faudra pas qu’elle compte sur moi pour revenir la semaine prochaine. Passage en revue bourré de mauvaise foi de tout ce qui a pu me gonfler dans ce pilote.



- Première séquence, l’enfant se réveille au milieu d’une rizière, aux côté d’une vache en se demandant où il est. Plagiat de Lost : remplacer Jacob (le nom du gamin) par Jack, le riz par du bambou et la vache par un chien et vous avez la première séquence (bien plus belle) de Lost. Gros déjà-vu.


- L’enfant est ramené manu-militari aux US alors qu’on nous précise bien qu’il n’a pas de passeport, qu’il n’a pas dit un mot et qu’on ignore tout de son identité. Pourquoi diable le ramène-t-on aux US ?! Qui a dit que ce gamin était ricain ? Ah si, pardon, on a une preuve solide : son sweat est estampillé aux couleurs d’une équipe de baseball américaine. Paye ton indice.

- Pour occuper l’enfant, on lui donne un smartphone pour qu’il puisse jouer à Donkey Kong. Or on nous dit plus tard que le môme a disparu il y a 32 ans à l’âge de 8 ans. En 1982, les seuls jeux vidéos se trouvent être des bornes d’arcade, les écrans tactiles sont de la science-fiction et les téléphones portables ressemblent à ça. Mais tout ça ne pose aucun problème à ce gamin qui passe même d’une appli à l’autre sans aucun souci. Okééé.

- De même, quand il retrouve ses parents, le garçon n’est pas plus surpris que ça par l’apparence de ses parents. C’est vrai, après tout, entre 30 et 60 ans, on ne change pas beaucoup, finalement. C’est tout juste s’il trouve que sa mère a l’air différent. Observateur le petit.

- « Mon fils est mort il y a 32 ans ». Cette phrase, je ne peux plus l’entendre. C’est un poncif bien trop éculé. Même dans Friends, on se moquait de Joey qui avait trouvé un rôle contenant cette réplique ringarde.



- L’avantage c’est que tout l’entourage de cet enfant occupe des postes clés dans cette ville : son oncle est sheriff, sa cousine est médecin, le mec de cette dernière est flic et cerise sur le gâteau, son ami d’enfance est devenu pasteur. C'est très pratique tout ça. Ca ne pue pas du tout les grosses ficelles. Je m’étonne qu’on n’ait pas encore introduit un avocat. A croire qu’ils sont les seuls habitants à peupler cette bourgade.



- Quand Maggie, la cousine,  va voir une de ses amies, Elaine, elle salue son frère qui lui répond « Tu viens voir ma sœur ? ». Bah non, connard, elle vient faire du tricot. Dialogue très subtil, donc. Ou l’art et la manière pour un scénariste pas très confiant d’être sûr que le spectateur n’est pas perdu dans les liens qui unissent les personnages. C’est un détail mais ça démontre parfaitement les défauts de ce pilote : tout est ultra souligné, ultra appuyé, ultra lourd.

- Séquence émotion : la mère de Maggie (et donc la tante de Jacob) est également morte noyée en essayant de sauver son neveu, 32 ans auparavant. Je précise que Maggie avait 6 mois au moment des faits. Pourtant aujourd’hui, Maggie se sent coupable parce que dit-elle, si elle n’avait pas existé, sa mère ne serait pas allé la promener près de la rivière. Ce niveau de culpabilité, c’est du jamais vu. Ridicule.

- Je passe sur l’énorme cliché de la petite ville qui ne fait pas confiance aux étrangers depuis la guerre de Sécession. Insupportable.

- Je passe également sur le téléphone portable qui a un zoom meilleur qu’un réflexe muni d’un téléobjectif.

- En observant 10 minutes le rapport d’autopsie de sa mère vieux de 32 ans, Maggie et l’agent de l’immigration qui se coltine le môme depuis une semaine découvrent tout un tas de marques bizarres sur les photos du cadavre, jamais signalées auparavant. De toute évidence, le médecin légiste de l’époque était vraiment un tocard.

- L’usage des flashbacks est raté. On vire dans le sentimentalisme niais. Et pour bien comprendre qu’on est dans du flashback, on nous colle des couleurs sépias et des images saturées. Au cas où on n’aurait pas compris.

- Cliffhanger aussi inutile qu’insupportable en cours d’épisode lorsque Jacob fuit dans la forêt. Son père et le flic qui l’accompagne se rendent compte qu’ils ont perdu sa trace. Tension. Suspens. Musique angoissante. Fondu au noir. Et puis non, finalement, le petit garçon était là, à trois mètres. Super. Merci.

- Jacob nous apprend que ça n’est pas sa tante qui a essayé de le sauver de la noyade mais bien lui qui a tenté d’aider sa tante. Grosse révélation donc. Encore plus lorsque Jacob nous informe de la présence d’un homme au moment de l’accident. Mystère ? Bah non, le père de Jacob était au courant. Et il savait même que sa belle-sœur avait une relation avec ce type dont la photo trône sur le rebord de la cheminée familiale. Mais ça, il n’a jamais cru bon d’en parler au moment des faits, des fois que ça puisse apporter des éléments nouveaux sur les circonstances de la mort de son fils.

- Pour finir, je m’arrêterai sur la révélation finale du pilote (qui se fait forcément sous la pluie mais sans que les personnages ne soient mouillés) : le père d’Elaine, également décédé, revient lui aussi d’entre les morts. Et pour l’occasion, les créateurs de la série repompent tout bonnement une astuce du film le 6ème Sens en affublant tous les revenants d’un vêtement rouge : le sweat pour Jacob, la casquette pour le père d’Elaine. C’est pas original et en plus c’est un peu trop flagrant (d’ailleurs, je réalise que Jacob ne s’est pas changé depuis plusieurs jours alors qu’il a voyagé depuis la Chine avec son sweat rouge : dégueu).

Bref, tout ça pour dire que je n'ai pas du tout accroché à Resurrection. On va me dire que je pinaille sur des détails, mais si ces détails et ces questions de forme m'ont tant gêné, c'est bien que le fond de l'histoire n'a pas su me captiver. Ennuyant, déjà-vu, lourdingue, ce pilote ne m'a pas convaincu. Pire il m'a profondément ennuyé. Merci mais non merci.

samedi 1 mars 2014

La Lazy Company: crazy comedy!



En voilà une que j’ai longtemps attendue. Petite série, tant par son format (10x30’) que par son budget (le tournage, ultra condensé, s’est déroulé sur seulement 25 jours : une prouesse), elle a malgré tout réussi à faire parler d’elle. J’étais donc bien intrigué de voir ce que ça pouvait donner. N’ayant pas OCS, chaine sur laquelle elle a été diffusée, j’ai dû attendre la sortie DVD de la saison 1 de la Lazy Company pour me faire plaisir. Aussitôt acheté, aussitôt visionné. Et bingo, le résultat est là : la série m’a énormément plu, même si je dois avouer avoir été dérouté dans un premier temps.


En référence à la Easy Company de Brand of Brothers, la Lazy Company est une comédie qui se déroule pendant le débarquement américain en juin 44. En dehors du contexte historique, les ressemblances avec la série de Steven Spielberg et Tom Hanks s’arrêtent là. Ici, pas de faits réels, pas de drames ni de morts. On est là pour rigoler et tourner cet évènement majeur du XXème siècle en dérision. Qu’il s’agisse des soldats américains, des résistants français ou des nazis allemands, tout le monde en prend pour son grade. Grosso modo, à en croire cette série, le débarquement de 44 aurait été orchestré par des abrutis qui se seraient alliés à des bouseux pour bouter l’ennemi très énervé mais un peu ras-de-plafond.


Les premières images de cette série que j’avais pu voir étaient les quatre pilotes tests de 2 minutes diffusés sur internet (et d’ailleurs disponibles sur le DVD). Ils montraient à voir une comédie essentiellement basée sur les dialogues et assez peu sur l’action. Et oui, forcément, quand on n’a pas le budget de Steven, on mise sur autre chose. Et ça fonctionnait super bien. Ces quatre scènes laissaient entrevoir une série adoptant un ton assez proche de celui de Kaamelott. Au passage, on y retrouvait au casting un habitué de la bande à Astier, le toujours très drôle Alban Lenoir.
Je me frottais donc les mains d’impatience en attendant de me payer la série complète. Mais là, surprise, le ton adopté dans la série n’a pas grand-chose à voir avec ce que je m’attendais à trouver. Beaucoup plus barrée que les pilotes, la Lazy Company joue sur un humour bien plus absurde. On est ici un peu dans le grand n’imp’. Pas autant que dans le Cœur a ses raisons, n’exagérons rien. Mais on peut y voir une ressemblance avec certains sketches des Monty Pythons. Vous me direz que la référence n’est pas mauvaise et vous auriez raison. C’est juste que j’ai été dérouté lorsque j’ai découvert la série.
Les scènes très dialoguées des pilotes s’y retrouvent mêlées à d’autres scènes what-the-fuck où les scénaristes s’autorisent tout (cf. l’épisode comédie musical, le plus décalé de tous). Mais attention, je ne dis pas que la Lazy Company est une série ratée, loin (très loin) de là. Dans un cas, comme dans l’autre, les deux formes d’humour sont parfaitement maitrisées et fonctionnent génialement. Ça fait de cette comédie un ovni un peu étrange, qui peut être difficile à appréhender dans ses débuts mais qui s'adopte finalement très vite.

Autre point positif qui fait que je me suis avalé les épisodes avec plaisir : les comédiens, tous parfaits. Les quatre héros de la Lazy sont forcément très bons (avec peut-être un petit bémol pour Benoit Moret, pas aidé par son personnage plus que chelou). Alban Lenoir et ses mines S m’ont fait beaucoup rire. Mon coup de cœur va à deux rôles féminins : Caroline Vigneaux qui campe une nazie hystérique bien excitée et surtout Aurélie Poirier, qui interprète une Normande résistante à l’accent incompréhensible et un tantinet soupe-au-lait.
Saluons au passage les astuces trouvées par les producteurs pour pallier le manque de budget (OCS étant une série câblée au public encore très confidentiel, elle ne peut investir de la même manière que TF1 ou Canal+). Plutôt que de compter sur des décors grandioses et des effets spéciaux et pyrotechniques incroyables, la série mise tout sur ses magnifiques costumes, sa bande-son (on entend des avions, des bombes, des tirs et ça suffit à contextualiser la série), sa musique et son générique vraiment très beaux. La photographie est également très soignée, avec sans doute un étalonnage aux petits oignons pour donner à la série les couleurs sépias, passées, habituellement associées à cette période. Au final, visuellement, c’est très réussi.



Sans être tout à fait la série que j’attendais, la Lazy Company n’en reste pas moins une excellente comédie française et passé cette surprise que j’ai pu avoir en découvrant la série, je suis totalement conquis et je serai ravi de voir la saison 2 actuellement en post-production. Elle est la preuve que même avec des budgets serrés, on peut produire de la qualité en France. Et ça, c’est une bonne nouvelle.