dimanche 12 mai 2013

Hatufim vs Homeland: 2 pays, 2 visions



Décidément Arte enchaine les jolis coups ! Une semaine après la fin de la très réussie et très suédoise Real Humans, la chaine lance un autre petit bijou sur ce qui est en train de devenir LA case série de référence. Jeudi soir dernier a commencé Hatufim, une série israélienne qui a connu un succès national d’abord puis une renommée mondiale grâce à l’engouement planétaire autour de Homeland, libre adaptation de Hatufim. Alors naturellement, quand on connait Homeland, la question se pose tout de suite : est-ce que ça vaut le coup de regarder la série d’origine ? La réponse est oui, trois fois oui.

Oui, parce que, avec le même pitch, Hatufim propose un tout autre point de vue : cette histoire de soldats de retour dans leur pays après une longue période d’emprisonnement dans le camp ennemi est ici racontée du côté des prisonniers (ils sont plusieurs à revenir, mais j’y reviendrai plus tard). Hatufim, qui veut dire enlevés en hébreux, annonce dès son titre qu’elle va s’intéresser aux otages libérés et à leur famille. Homeland, par opposition, indique d’entrée de jeu une envie de se positionner du côté des renseignements généraux, avec le personnage ô combien réussi de Claire Danes. Forcément, c’est tout le déroulement de la série israélienne qui s’en retrouve chamboulé. Si les premiers épisodes rappellent par de nombreuses scènes ce qu’on a déjà vu dans son équivalent américain, la suite du récit prend bien plus le temps d’exploiter l’adaptation des anciens détenus à leur nouvelle vie. Et la question de savoir si oui ou non les soldats ont été retournés par l’ennemi devient quasiment secondaire alors qu’elle occupe la première place dans Homeland.

Oui, parce que la galerie de personnages est plus riche. Dans Homeland, Brody était seul à revenir d’Afghanistan. Dans Hatufim, ils sont deux. Ce qui offre naturellement deux fois plus de situations à développer. Une des familles, menée par la belle Yaël Abecassis, attendait le retour du prisonnier avec impatience, et militait jour et nuit pour sa libération. L’autre famille était passée à autre chose, persuadée que l’otage ne reviendrait pas. Deux attitudes différentes qui offrent un retour diamétralement opposé aux deux prisonniers. 
A ces deux familles, il faut ajouter le très joli personnage de Yaël, qui apprend que son frère, qui faisait pourtant partie des otages, est mort depuis longtemps. Touchante, très juste, l’actrice Adi Ezroni crève l’écran. Tout comme Ishai Golan, qui interprète Uri, le prisonnier de guerre timide, réservé, apeuré par cette liberté qu’il doit réapprendre. L’ensemble du casting est globalement parfait, mais je dois dire que c’est grâce à l’immense  talent de ce comédien et à son jeu tout en finesse que je suis rentré de plain-pied dans la série. La scène de la lecture des lettres sur la tombe de sa mère compte parmi les plus émouvantes que j’ai vues récemment. 

 
Oui, parce que Hatufim joue la carte du minimalisme. Bien loin des effets de suspense parfaitement maitrisés de Homeland, Hatufim prend son temps. Il se passe bien moins de choses en une saison de Hatufim qu’en une demi-saison de Homeland. Mais ça n’est pas un mal, loin de là. Les personnages connaissent des évolutions beaucoup plus logiques, plus creusées. La série est plus humaine. Et les scénaristes ont l’occasion de développer chacun de leurs nombreux personnages pour leur donner de véritables enjeux, une vraie profondeur. Aucun perso n’est condamné : même si les choix de certains sont discutables, chacun est présenté avec tellement de justesse que le spectateur se retrouve dans l’impossibilité de juger qui que ce soit. La situation complexe et réaliste de ces soldats libérés après une longue période de captivité est développée jusqu’au bout, avec intimité et émotion.




Qu’on ne s’y trompe pas, j’adore Homeland, j’adore son rythme enlevé et ses cliffhangers insoutenables, j’adore Carrie Mathison et j’adore les directions imprévues que prend la série à chaque épisode. Mais tout ça n’empêche pas d’apprécier Hatufim. La saison 2, que je n’ai pas encore eu l’occasion de voir, promet d’être plus musclée et de se rapprocher un peu plus des questions d’espionnage, de trahison et de terrorisme présentées dans Homeland. Mais cette première saison, humaine, sensible et incroyablement juste est un bijou. Un vrai coup de cœur.

vendredi 3 mai 2013

Da Vinci's Demons: Léonardo doit souffrir...



On m’a forcé, j’vous jure que je ne voulais pas ! Les fresques historiques, c’est moyennement mon truc. A part la magnifique Rome et le fantastico-médiéval Game of Thrones, je n’ai jamais été tenté par les Tudors, Borgias et autre Spartacus, que je juge (sans les avoir vus, j’avoue ; un gros bouh pour moi) souvent trop racoleurs et trop violents. Et ben là, c’est Da Vinci’s Demons que j’ai tenté. J’ai regardé le pilote, ou plus exactement, j’ai fait l’effort d’aller jusqu’au bout de ces 60 minutes. Ma sentence est irrévocable (comme disait Denis) : je ne reviendrai pas. Lynchage en 5 points (aujourd’hui, je spoile, reinafout’) :


Je suis ambidextre, je suis trop un génie...
Le personnage insupportable de De Vinci : on ne voit que lui, il est de toutes les scènes, de tous les plans, de tous les instants, ce qui en soit, est un peu normal pour une série qui porte son nom. Mais malgré l’abattage un poil crispant de Tom Riley, beau gosse pas forcément mauvais mais terriblement mal servi par son rôle, De Vinci devient pénible dés le 1er quart d’heure. Hystérique, survitaminé, sûr de lui, ce Léo-là a tout du super héros omnipotent. Loin de l’image (un peu rabattue, c’est vrai) de ce mystérieux artiste-ingénieur de génie, on a ici affaire à un mec ultra intelligent, avec un talent artistique hors du commun (jusque là, rien d’anormal), sachant manier l’épée et la répartie comme personne et serial-séducteur. Bref, rien ne l’arrête, il maitrise tous les domaines, il n’a peur de personne, il tient tête à tout le monde. En deux mots : un surhomme, très vite exaspérant. Alors forcément, quand les scénaristes tentent de lui donner des faiblesses en le montrant dans des phases de transe aussi absurdes que surjouées ou en le faisant pleurer devant son papounet qui ne le reconnait pas, ben on n'y croit pas. Ca le rend encore plus tête à claque. Un héros taillé à coups de serpe, ca part mal pour la série.

Le massacre des œuvres de De Vinci (le vrai) : j’ai déjà dit que les meilleures séries étaient souvent celles qui retenaient leurs effets. Et bien on tient ici la parfaite démonstration de ce qu’il ne faut surtout pas faire. Dans le pilote, l’intégralité du travail du génie est passée en revue et massacrée vulgairement : Léo dessine déjà toutes ses machines de guerre, fait voler son assistant dans une des premières scènes (risibles) du pilote, créé un automate volant, dessine un soi-disant magnifique portrait de femme en 3 minutes chrono et analyse l’anatomie des oiseaux et des cadavres humains en lousdé. Bref, on nous résume la vie de De Vinci en 50 minutes. Totalement indigeste. Et on se demande bien ce qu’ils nous sortiront pour la suite (à part l’homme de Vitruve, qui apparait déjà furtivement, je ne vois pas).

Léo! Je vole!
Les effets spéciaux, affligeants : C’est laid ! Mon Dieu que c’est laid ! Les décors recréés en 3D sont dignes de ce qu’on pouvait voir dans les vidéos d’introduction des musées des années 1990’s, à l’époque où on trouvait trop cool de pouvoir tourner autour d’un bâtiment en 3D. C’est surléché, c’est artificiel, c’est ringard : c’est moche ! Et je ne reviendrai même pas sur cette scène précédemment évoquée où l’assistant de Léo vole : il est moins crédible que Dean Cain dans Lois et Clark.

Du cul, du sang, faussement choquants : évidemment pour plaire au public de la chaine Starz (qui diffuse aussi Spartacus), Da Vinci’s Demons se doit d’être transgressive. Enfin, quand je dis transgressive, il faut l’entendre au sens de racoleuse. Et donc dans les 5 premières minutes, on a le droit à un méchant qui fait du sexe avec des garçons (comme à peu près tout le monde dans la série) puis qui se fait trancher la gorge, dans un geyser de sang bien giclant ! Paye ton originalité… Rome usait de ces poncifs avant que ça n'en devienne et le faisait avec bien plus de classe. Là, c’est lourd, gratuit, sans intérêt.


Une trame mystico-politco-foireuse dont on se fout : Qui dit Da Vinci à Hollywood dit forcément complots, mystères et énigmes. Ca ne loupe pas, on y a droit ici aussi. D’abord avec une guéguerre sans intérêt que se livre le Royaume de Milan et les Médicis florentins. Sans intérêt parce qu’on n’en comprend pas bien les enjeux ; c’est traité en toile de fond avec tout plein de personnages ayant plus ou moins véritablement existé mais qu’on a du mal à différencier les uns des autres. Au début on se concentre et puis plus tard - au bout de 4-5 minutes, grand max - on décroche. Cerise sur le gâteau, LE personnage féminin est en fait… une méchante ! Ouh, alors ça on l’avait pas vu venir du tout… Booooring.
Ouh, je mets du mascara, je suis mystérieux...
Ajoutons à ça la quête de Léo. Après avoir rencontré un chamane-gourou, Léo part à la recherche du Livre des Feuilles (sans doute rangé à coté du tout aussi crédible Livre des Ombres des sœurs Halliwell) qui doit lui apporte la clé de… bah, je sais plus en fait, parce que les infos sont noyées dans un gloubiboulga de révélations foireuses et de vérités débiles.

Cette série est donc à oublier d’urgence ! Pas croyable de faire du si mauvais avec un sujet pourtant intriguant à la base (quoique…). En se donnant des airs qu’elle n’a pas, la série en fait des caisses, sans second degré et devient totalement indigeste. Zéro pointé.Assez impardonnable venant de David S. Goyer, le mec qui a écrit la nouvelle trilogie Batman... et FlashForward (tout s'explique)...