vendredi 31 août 2018

Pose : Category is... masterpiece !!


Bon, ça y est ! Les vacances sont finies, tout le monde est rentré, l’école reprend lundi. Il est donc l’heure de rattraper le meilleur des séries qu’on a loupé cet été. Et ne cherchez pas, si vous devez n’en voir qu’une, y a pas photo, c’est Pose diffusée au début de l’été sur la chaine FX. Après Nip/tuck, Glee, American Horror Story et tant d’autres, Ryan Murphy nous livre en huit épisodes ce qui est sans doute sa série la plus personnelle, la plus intimiste et la plus réussie. Et c’est un bijou. Ni plus ni moins. Une vraie pépite à consommer sans modération mais avec délectation. Vous êtes prévenus, vous serez en manque à la fin de la saison.


Alors c’est quoi, Pose ? Ça tient en quatre lettres :

P comme Pose and Vogue : la série se passe dans le milieu du voguing new-yorkais de la fin des années 1980. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’une danse urbaine issue du milieu gay noir américain. L’idée d’origine était de parader sur les pistes en copiant les poses des mannequins qui faisaient les couvertures de Vogue. Mais petit à petit, le voguing est devenu bien plus qu’une danse : c’est devenu un art de vivre, un mouvement culturel ultra-codifié avec ses règles, ses lois et ses stars. Réunis en équipe qu’on appelle des houses, les candidats s’affrontent lors de battles qu’on appelle des balls dans différentes catégories.
La série de Ryan Murphy suit les débuts d’une de ces maisons, la House Evangelista menée par Blanca, une femme trans en apparence fragile mais avec un cœur gros comme ça. Pour remporter le prix de la meilleure house de l’année, Blanca s’entoure de jeunes qui sont à la rue, qu’elle héberge et qu’elle protège comme s’ils étaient ses propres enfants.
Le génie de la série de Murphy est de réussir à nous introduire dans un milieu a priori inconnu du grand public mais de nous y faire sentir à l’aise quasi-instantanément. Les auteurs nous prennent par la main pour nous expliquer les règles et les enjeux de ces balls, mettre en place les hiérarchies existant entre et au sein des houses et présenter les différentes catégories dans lesquelles les danseurs s’affrontent. C’est terriblement efficace et dès la fin du premier épisode, on se sent comme à la maison.

O comme Orientations sexuelles et identités de genre : la série se passant dans le milieu LGBT de New York, il était logique que la majorité des personnages soient gays, lesbiens ou bisexuels. Et c’est le cas. On a rarement vu une si grande variété de profils différents dans une seule série. A peu près toute l’échelle de Kinsey y est représentée. Et il faut bien dire que tant de diversité fait du bien à voir ! Pose donne enfin la parole à tous les personnages qu’on a essayé de masquer pendant des décennies. Et elle le fait jusqu’au bout puisqu’elle met dans la lumière les minorités ethniques trop souvent discriminées, y compris au sein-même des communautés LGBT.
Mais la grande force de Pose, l’immense atout de cette série est la place magistrale accordée à trois rôles de femmes trans interprétées magistralement par trois actrices trans et noires, toutes plus divines les unes que les autres : l’émouvante Blanca (Mj Rodriguez), la fabuleuse Elektra (Dominique Jackson) et surtout la magnifique Angel (Indya Moore). Toutes les trois crèvent l’écran. On n’a d’yeux que pour elles. Chacune de leurs intrigues personnelles sont des réussites en terme d’écriture et d’interprétation. Tour à tout drôles et émouvantes, bitchy et fragiles, fabuleuses et démunies, elles comptent parmi les personnages les plus riches de ces dernières années.

S comme SIDA : la série se déroule en 1987, c’est-à-dire au moment où l’épidémie bat son plein et décime (entre autres) la communauté LGBT. Ryan Murphy n’évite pas le sujet. Bien au contraire, il le prend à bras le corps et l’aborde sous différents aspects : la prévention, le dépistage, la fidélité, la maladie, le deuil… Forcément, certaines scènes sont difficiles mais la série ne tombe pas pour autant dans le pathos. Oui, on pleure devant Pose à cause de cette saleté de virus, mais on nous présente aussi la réalité de la maladie avec réalisme et même parfois avec recul. Aussi terrible que ce soit, le SIDA faisait partie du quotidien de ces personnes incarnées par les héros de la série. Et en cela, Pose réussit magnifiquement à retranscrire cette réalité.
Sur cette question précise, l’épisode 6 est une perle. C’est peut-être le meilleur de la série, et pas uniquement pour ses histoires autour du sida (je pense à la première scène dans le diner).

E comme Extravaganza, Eleganza : visuellement, Pose est une pure merveille. La réalisation est vraiment superbe, au point qu’on s’arrête plusieurs fois dans chaque épisode pour admirer un cadre, un plan, un mouvement de caméra. La photographie est magistrale : ces couleurs, ces lumières... c’est tellement beau… Et ce, que ce soit dans les rues de New York, dans les salles de balls ou dans les cabines des sex shops. Les costumes et les maquillages sont évidemment à la hauteur du talent des concurrents qui s’affrontent chaque semaine. Et la musique est un vrai régal, mélange de disco, de funk, de soul… Que du bonheur.
Mais Pose n’est pas que belle visuellement. Elle l’est aussi intrinsèquement. Pose est une série qui fait un bien incroyable. Elle présente des personnages qu’on n’avait jamais vus avant et auxquels on s’attache immédiatement. Les auteurs, les réalsiateurs et les acteurs ont un tel amour pour ces personnages qu’ils nous les font aimer en un rien de temps. Certes, Pose est parfois triste, dure mais elle emporte le spectateur dans un tourbillon d’émotions tellement fortes, si justes ! Et elle transpire l’optimiste comme si, malgré les galères vécues par les personnages, elle voulait résolument croire en l’humanité. C’est une vraie feel-good series ; le monde irait sans doute mieux si on rendait obligatoire le visionnage de cette série.


Je ne le répéterai jamais assez mais regardez Pose. Ça vous fera du bien. Ça rend hommage à des personnes qu’on n’avait jamais mis dans la lumière jusqu’à ce jour. Et ça vous ouvrira les portes d’un monde qu’on ne connait pas (ou pas assez) – au passage, si vous en avez l’occasion, allez assister à des balls en live : c’est incroyable !


jeudi 21 juin 2018

Sense8 : l'ultime playlist


Ça fait maintenant deux semaines que le final de Sense8 est sorti et je n’en ai toujours pas parlé ici. Alors pour faire court, non, ça n’est pas le meilleur épisode de la série, oui, c’est un peu bourratif et surchargé, mais oui, j’ai aimé malgré tout et oui, je suis un peu triste de ne plus revoir ces personnages. Alors pour faire durer le plaisir et puisqu’il est de coutume de fêter la musique en ce 21 juin, voilà une playlist qui passe pas mal en boucle dans mes oreilles depuis deux semaines. C’est cadeau, enjoy !


Bonus - Sense8 Title theme – Johnny Klimek, Tom Tykwer (tous les épisodes) : le générique de la série est un incontournable pour se mettre dans le bain. Et de manière plus globale, la musique originale de Klimek et Tykwer (collaborateur fidèle des Wachowski) est une réussite.


1/ Hallelujah – Jeff Buckley (Christmas Special S02E01) :  un morceau absolument indémodable pour fêter Noël entre sensates.

2/ Feeling Good – Avicii (Christmas Special S02E01) : magnifique morceau, sensuel au possible pour lancer cette saison 2 à grands renforts de corps à moitié dénudés nageant au milieu de la Méditerranée.

3/ Memory Gospel – Moby (S02E02) : musique quasi mystique pour accompagner Nomi et Will sur les traces de Sara Patrell, la première sensate ayant marquée l’enfance de Will.

4/ All my Days – Alexi Murdoch (S02E03): libérés de l’emprise de Whispers, Will et Riley peuvent enfin profiter de la chaleur du soleil d’Amsterdam, bientôt rejoints par leurs 6 moitiés, avec en toile de fond la voix nostalgique d’Alexi Murdoch.

5/ Wise Enough – Lamb (S02E06) : déclarée chanson la plus sensuelle de monde par mes soins après avoir vu Kala, Wolgang, Capheus et Zakia faire l’amour dans un montage plus langoureux que jamais.

6/ What’s Up – 4 Non Blondes (S01E04): LA chanson emblématique de la série. Incontournable. Inoubliable. Hymne absolu de Sense8.


7/ Home We’ll Go – Walk off the earth, Steve Aoki (Christmas Special S02E01): Le début d’une série de musiques toutes plus entrainantes les unes que les autres pour fêter l’anniversaire de nos héros aux quatre coins du monde.

8/ Huff + Puff – Just a Band (Christmas Special S02E01): la suite du morceau précédent pour monter dans les tours et aller plus loin dans les rythmes festifs.

9/ Knockdown – Davec202, Gino G  (Christmas Special S02E01) : Riley et Kala prennent les platines pour finir cette soirée d’anniversaire en beauté sur le dancefloor.

10/ Back Where I Belong (feat. Avicii) – Otto knows (S02E06): Lito enflamme la gay pride de Sao Paulo avec le toujours sexy Hernando et sa bande de sensitifs.

11/ Demons – Fatboy Slim, Macy Gray (S01E06): séquence inoubliable de la saison 1, première orgie sexuelle de la série. Un montage terriblement sensuel, une voix qui ne l’est pas moins. Un bijou.

12/ I’d love to Change the World – Jetta (Christmas Special S02E01): autre orgie inoubliable de la série, toujours aussi érotique, envoutante, charnelle.

13/ The Sharing Song – Jack Johnson (S02E05) : petit moment de détente pour Sun (et ils sont rares) où elle peut profiter en paix de son chien et de son mentor.

14/ I feel you – Depeche Mode (Finale S02E12): Première pause dans ce final surexcité et vrai moment de kiff entre sensates sur les routes napolitaines.


15/ Chan chan – Leandro Gonzales (Christmas Special S02E01): dernier morceau plus sensuel, plus latin, de l’énorme teuf d’anniversaire des Sensates.

16/ Nothing Matters When We’re Dancing (Finale S02E12): musique douce et légère qui accompagne le happy end de la série et accessoirement le mariage de Nomi et Amanita. La suite, remixée vient enflammer le dancefloor.

17/ Mad World – Marius Furche (S01E09) : musique entendu plusieurs fois dans la saison 1, souvent pour illustrer les déboires amoureux de ce pauvre Lito.

18/ Saeglopur - Sigur Ros (S01E11): Scène finale de la première saison, les sensates fuient l'Islande sur un bateau, apaisé le temps d'un coucher de soleil.
 


19/ Concerto No5 : I. Allegro – Ludwig van Beethoven (S01E10): les sensates se souviennent de leur naissance dans un montage terriblement émouvant sur fond de musique classique éternelle.

20/ Experience – Ludivico Einaudi (Finale S02E12) : Dernière musique, dernière orgie de la série, dernière scène aussi. Sensuelle, envoutante, inoubliable. Une vraie perle.


Bonus / Rather be – Clean Bandit, Jesse Glynne (Finale S02E12): hors-série, la musique accompagne le générique finale sur fond d’images de tournage et rend une dernière fois hommage aux fans qui ont porté la série et à qui est dédié le final.


Il y en a encore beaucoup d’autres, mais ces vingt-là sont celles qui m’auront fait le plus vibrer ou danser pendant les deux saisons de cette série certes imparfaite mais tellement tellement importante. Tu vas nous manquer, Sense8. Bonne fête de la musique à tous !


dimanche 17 juin 2018

Manhunt : Unabomber : une petite bombe (trop) discrète


En un week-end seulement, je viens de m’avaler sur Netflix les huit épisodes d’une mini-série américaine qui raconte comment un agent du FBI redéfinit les règles du profiling pour attraper un criminel lors d’une enquête inspirée de faits réels. Alors non, malgré les apparences, il ne s’agit pas de Mindhunter, série au demeurant très réussie et qui, d’ailleurs, vaut largement le coup d’œil. Non, il s’agit ici de Manhunt : Unabomber, une série originellement diffusée sur Discovery Channel durant l’été 2017 et proposée en France sur Netflix depuis décembre 2017.


Dans la lignée d’American Crime Story ou  Making a Murderer, la série raconte les dernières années d’enquête du FBI pour tenter d’appréhender Unabomber, un terroriste ayant terrifié les Etats-Unis entre 1978 et 1995 en faisant exploser plus d’une quinzaine de bombes artisanales qui tuèrent trois personnes et en blessèrent 23 autres. Si elle est tout juste connue en France, cette affaire a défrayé la chronique aux USA, faisant de Unabomber, de son vrai nom Ted Kaczynski, l’un des hommes les plus recherchés de la fin du XXe siècle. L’un des faits marquants de cette chasse à l’homme fut la rédaction d’un manifeste éminemment politique dans lequel l’auteur de ces attentats expliquait sa vision alarmiste de la société de consommation industrielle et ses méfaits sur la liberté et le libre-arbitre des citoyens.

C’est sur ce manifeste que se penche tout particulièrement la série puisque celle-ci utilise cette publication pour présenter la mise en place d’une branche méconnue de la police scientifique : l’analyse linguistique.
Sam Worthington (qu’on ne voit pas assez au cinéma et à la télé, pour cause de tournage marathon des multiples suites d’Avatar) y incarne Jim Fitzgerald, un agent fraichement débarqué dans la cellule de crise qui planche sur l’affaire Unabomber. En partant des écrits, des lettres puis du fameux manifeste écrits par l’auteur des bombes, il analyse le style, la grammaire, le vocabulaire mais aussi la mise en page et la présentation de ces documents pour un tirer un portrait-robot du coupable. Persuadé que sa stratégie est la bonne, il se confronte à sa hiérarchie (Chris Noth en tête), assez peu convaincue du bienfondé de ces théories. Alors bien sûr, seul contre tous, Fitzgerald va finir par prouver qu’il a raison.
Mais là n’est pas la question puisque le spectateur sait dès le premier épisode que l’enquête aboutira à l’arrestation de Kaczynski. En effet la série se déroule parallèlement sur deux timelines : l’une en 1995, dans les derniers mois qui précèdent l’arrestation du coupable, l’autre en 1997, lors du procès de ce dernier et de sa confrontation avec celui qui causa sa perte deux ans auparavant. Ainsi, l’enjeu n’est pas tellement de savoir qui a commis ces actes terroristes ni de savoir si le FBI arrivera à ses fins mais bien de comprendre comment un homme puis une équipe réduite ont mis sur pied une nouvelle discipline pour atteindre des résultats. Et en cela, la série est aussi didactique que passionnante et addictive : épisode après épisode, on comprend l’étendue de cette science nouvelle qui analyse les moindres fautes de frappes, les moindres détails de pagination pour établir le profil du tueur. C’est fascinant. Et surtout c’est limpide, mais jamais simpliste. Bref, de la bonne écriture à l’américaine, comme on aime.

S’ajoute à cette storyline de 1995 celle de 1997, un brin en décalage avec le reste de la série. Les scènes de confrontation entre Fitzgerald et Kaczynski (délicieusement incarné par Paul Bettany) n’ont finalement pas grand-chose à voir avec l’enquête en elle-même. Elles s’attachent d’avantage à montrer l’impact que l’enquête et notamment le contenu du manifeste a eu sur l’agent Fitzgerald. Celui-ci ayant perdu presqu’un an de sa vie et sa famille pour poursuivre Kaczynski, il en ressort marqué naturellement. Et on se demande si, à force de relectures sans fin du manifeste, il n’a pas fini par épouser les idées du terroriste. Les tête-à-tête opposant les deux hommes sont donc particulièrement chargés émotionnellement, chacun voulant prouver à l’autre qu’il a l’ascendant psychologique sur son interlocuteur. Jolies prouesses d’écriture et de jeu (les deux hommes sont vraiment parfaits), ces scènes permettent à la série de s’éloigner de l’enquête classique pour donner un peu de profondeur à l’ensemble. Et au passage faire réfléchir le spectateur sur la souciée de consommation telle qu’on la connait aujourd’hui.

Rondement menée en huit épisodes, la série a choisi un format parfaitement adapté à son sujet. C’est assez rare pour être notifié mais il n’y a pas de temps mort dans Manhunt : Unabomber. Pas de surplus, pas de longueur. On va à l’essentiel et c’est terriblement efficace. Pour une fois, on a l’impression que le sujet de l’histoire a dicté le nombre d’épisodes aux auteurs et donc à la production, et non l’inverse.
La réalisation de Greg Yaitanes est superbe – pas étonnant pour cet habitué des séries de qualité (Banshee, Dr House ou Lost). Peut-être un peu moins léchée que sa cousine Mindhunter, elle tient malgré tout largement la comparaison avec la série de Fincher.


La série aurait pu s’appeler simplement Unabomber mais Discovery Channel a décidé de lui ajouter un préfixe Manhunt. Sans doute en prévision d’une saison deux sur une tout autre affaire, en cas de succès de ce premier opus. Pour le moment, rien n’est annoncé. Cela veut-il dire que la série n’a pas rencontré son public ? C’est bien dommage parce que Manhunt : Unabomber est une vraie réussite venant d’une chaine qu’on n’attendait pas sur ce créneau-là ; alors profitons que Netflix ait récupéré les droits de cette petite perle pour faire connaitre un peu plus ce thriller accrocheur.